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Arrangements douteux

A défaut de quorum, l’Assemblée des représentants du peuple n’est pas parvenue, en deux journées consécutives, à tenir une séance plénière consacrée au dialogue avec l’Instance nationale de lutte contre la corruption (Inlucc). Vingt-trois députés seulement étaient présents à l’ouverture de la plénière. Au moment de la reprise, le nombre n’a pas dépassé les 42 élus. Pourtant, on ne s’investit pas dans les débats et les travaux parlementaires comme on peut le faire dans d’autres activités. La responsabilité et le devoir y sont plus forts qu’ailleurs. La morale et l’honnêteté aussi et surtout.

Depuis les dernières élections législatives, mais tout particulièrement depuis l’installation d’un système politique à vocation parlementaire, les principes sont de plus en plus difficilement identifiables auprès de cette nouvelle vague d’élus qui ne fait pas amende honorable au Parlement. Les enjeux partisans sont devenus d’ailleurs incommensurablement plus importants que les intérêts et l’avenir du pays. Les problèmes et les défaillances concernent tout un système, des groupes parlementaires, des individualités, des noms, des aptitudes et des compétences. Les dépassements des uns, les accusations des autres compliquent davantage la situation.

Il faut dire que, de nos jours, siéger à l’ARP, c’est assurément rompre avec les valeurs et les fondamentaux qui incombent au pouvoir législatif. Ce qui nous semble surtout inquiétant, c’est qu’en présence de certains, le Parlement a perdu ses plus importants leviers : sa vocation et sa noblesse. La légitimité et le bien-fondé que certains élus tentent aujourd’hui d’endosser par tous les moyens ne sont au fait qu’un préjudice moral. Ils sont en train de compromettre les acquis de la révolution, de berner les citoyens qui leur ont donné leurs voix, de dénaturer la vocation et la raison d’être de tout le système, d’imposer un isolement et un discours aseptisé et de formater les justifications. Ce n’est plus de l’exagération. Cela va bien au-delà. Mais le pire est qu’ils ont le sentiment de ne pas se tromper. Ou encore, ils font semblant. Et tout à l’avenant : des arguments qui ne persuadent en rien… 

Il reste que le paradoxe est bien là : les dérapages et les manquements que l’on enregistre à travers le comportement de beaucoup de députés, qui se revendiquent d’ailleurs en tant que protecteurs et mécènes du peuple, ont commencé au moment où ce dernier les a placés là où ils sont aujourd’hui. Le paradoxe aussi est que la Constitution et le régime politique leur donnent les prérogatives de tout contrôler. Rien, ou presque, ne se conçoit sans leur aval. La nomination d’un chef de gouvernement, c’est eux. La composition d’une équipe gouvernementale, c’est aussi eux. Le passage, le maintien ou la révocation d’un gouvernement, c’est forcément eux.

Par leurs excès et leurs débordements, certains députés ont participé au développement d’un malaise politique. Nous sommes conscients du fait qu’ils se présentent comme les élus du peuple, mais cela ne peut en aucun cas constituer une justification aux dérapages et aux abus en tous genres.

Tout le paysage politique est entré aujourd’hui dans une phase très compliquée dont l’issue sera incertaine et surtout difficile à cerner, si les négociations et les arrangements douteux ne sont pas rangés définitivement dans les placards.

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